Francis Bacon ( 1909- 1992) ou la puissance –souvent bouleversante – d’évocation

26 November 2019

Francis Bacon ( 1909- 1992) ou la puissance –souvent bouleversante – d’évocation

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Francis Bacon, dont l’œuvre, marquée par un sentiment de culpabilité, exprime, en particulier, un rapport entre :

 géométrie et tension, 

 animalité et humanité,

 Cruauté/souffrance et violence.

Francis Bacon et son double, à Paris, le 29 septembre 1987. • Crédits : Raphael GAILLARDE – Getty
Francis Bacon et son double, à Paris, le 29 septembre 1987. • Crédits : Raphael GAILLARDE – Getty

Parti pris : jusqu’à quelle distorsion l’individu reste-t-il lui-même ?

Trois études de George Dyer, 1966, Francis Bacon• Crédits : Tim P. Whitby – Getty
Trois études de George Dyer, 1966, Francis Bacon• Crédits : Tim P. Whitby – Getty

Ici on observe Référent- modèle/ écart au modèle et variations de l’écart au modèle. Les variations du modèle sont une caractéristique récurrente chez Bacon.

Pour analyser une œuvre d’art, il faut en saisir les tensions dynamiques et les tensions conceptuelles

Tension dynamique : l’opposition – ou son résultat-, marquée plastiquement par les lignes, les formes, les couleurs, les lumières, etc. (intérieur/extérieur, vide/plein, lourd/léger, haut/bas, équilibre/déséquilibre, compression/décompression)

Tension conceptuelle: les combinaisons visant à donner un sens à l’œuvre (invention/modèle et variation du modèle ; référent/écart au référent, matière/forme, la chose/l’objet ; nature/humanité, souffrance/douceur-cri

Tension hybride : combinaison insécable des tensions dynamique et conceptuelle (chez Bacon harmonie/difforme ; géométrie/informe, scènes crues/esthétique)

Tryptique août 1972", Francis Bacon• Crédits : Anton Novoderezhkin – Getty
Tryptique août 1972″, Francis Bacon• Crédits : Anton Novoderezhkin – Getty

Le tryptique confère un caractère sacré donc : Sacralisation/ désacralisation du corps et une vision tragique de l’homme

Francis Bacon, Oedipe et le sphinx revisité. Le tableau se réclame autant d'Ingres que d'Eschyle. Photo Centre Pompidou, Paris 2019 Jean –Auguste-Dominique Ingres ( 1780- 1867) Œdipe explique l’énigme du sphinx , 1808, Salon de 1827.  
Francis Bacon, Oedipe et le sphinx revisité. Le tableau se réclame autant d’Ingres que d’Eschyle. Photo Centre Pompidou, Paris 2019.   Jean –Auguste-Dominique Ingres ( 1780- 1867) Œdipe explique l’énigme du sphinx , 1808, Salon de 1827.

Tensions dynamiques (rose/vert ; les couleurs de ses toiles s’intensifient, enrichies de grands aplats de rose-chair ) ; lignes géométriques/cercles

Tensions conceptuelles : animalité/grâce humaine ou animalité/humanité ; force-muscles/ fragilité ; le mythe / le quotidien 

Francis Bacon, Triptyque inspiré par l’Orestie d’Eschyle (1981), en y pointant la présence des Erinnyes, comme signe de culpabilité.  Insecte et être humain.
Francis Bacon, Triptyque inspiré par l’Orestie d’Eschyle (1981), en y pointant la présence des Erinnyes, comme signe de culpabilité. Insecte et être humain.

Ici les couleurs de ses toiles s’intensifient, enrichies de  touches inédites de jaune-orangé.

Tensions dynamiques ; (ocre/vert) ; lignes géométriques/cercles

Tensions conceptuelles : (animalité-nature/ enfermement dans cage) ; Insecte et être humain

Francis Bacon « Sand Dune », 1983,Huile et pastel sur toile, 198.5 x 148.5 cm : Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Sammlung Beyeler
Francis Bacon « Sand Dune », 1983,Huile et pastel sur toile, 198.5 x 148.5 cm : Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Sammlung Beyeler
Francis Bacon Study of Red Pope, 1962, Second Version [Étude de pape rouge, 1962, seconde version], 1971 Huile sur toile 198 × 147,5 cm
Francis Bacon Study of Red Pope, 1962, Second Version [Étude de pape rouge, 1962, seconde version], 1971 Huile sur toile 198 × 147,5 cm

Souffrance /cri ; réalité de chair et de sang

Lignes géométriques (cadre)/ courbes vêtements sacerdotaux)

Tension hybride : géométrie-couleur : souffrance et chair meurtrie

Head VI, 1949 à d’après un portrait du pape  Innocent X réalisé par Velasquez en 1650.
Head VI, 1949 à d’après un portrait du pape Innocent X réalisé par Velasquez en 1650.

Le cri n’est pas synonyme d’horreur, même si c‘est souvent le cas.

Le massacre des Innocents, Nicolas Poussin, 1628 musée Condé à Chantilly
Le massacre des Innocents, Nicolas Poussin, 1628 musée Condé à Chantilly

Le massacre des Innocents, Nicolas Poussin, 1628 musée Condé à Chantilly (cri d’effroi)

Voir aussi le cri de Munch, précurseur de l’art expressionniste : cri d’angoisse (existentiel, ontologique, allégorique). 

Edvard Munch, Le cri, tempera sur carton 91 × 73,5 cm, Galerie Nationale d'Oslo, entre 12893 et 1917.
Edvard Munch, Le cri, tempera sur carton 91 × 73,5 cm, Galerie Nationale d’Oslo, entre 12893 et 1917.

La vision de l’artiste Francis Bacon

Une vision temporelle (c’est à dire de son époque, de son temps)

Son but est de « pratiquer une peinture sans distance aucune », une peinture de l’immédiateté qui puisse agir directement sur le spectateur et évoquer le monde contemporain. Il y a  un « désir de toucher le fond même du réel ». Cette réalité est offerte au présent, bien plus, dans un « présent absolu », celui du XXème siècle donc..

A cet égard, les décors sont des « contenants »,  au sens où ils ont un rôle d’actualisation accordé aux objets industriels de la vie quotidienne : fauteuil tournant, divan, bidet, rasoir, ampoule électrique, parapluie…),

Une vision esthétique

L’artiste peut avoir une vision prospective. Il lui arrive de découvrir, à partir de l’art réalisé, des principes d’engendrement et d’invention, qui permettent de concevoir et de construire des structures, des formes, non encore utilisées dans l’art, ouvrant des voies nouvelles à la création.

Bacon fait se confronter l’irrationnel et le rationnel en acceptant des « accidents » dans sa peinture et en jouant avec eux, les premiers (« accidents purs ») étant liés au caractère incertain du maniement du pinceau ou de la brosse et les seconds (« accidents suscités ») provoqués par projection de peinture ou par frottage avec un chiffonafin d’aller au-delà d’une figure trop calquée

Une vision ontologique, morale et/ou sociale

Il est marqué par un sentiment de culpabilité et une souffrance  ontologique, caractérisé par un profond besoin d’extérioriser des sentiments forts, complexes et contemporains.

Francis Bacon par Lucian Freud
Francis Bacon par Lucian Freud


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