Jeff Koons,             à Paris

23 October 2019

Jeff Koons, à Paris

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Les mousquetaires des arts plastiques (Jeff Koons, dans le rôle de d’Artagnan, et  Damien Hirst, David Hockney, Takashi Murakami).

Il faut bien en parler, ce sont les artistes, en vie et en vue, dont les œuvres sont les plus chères, vendues pour des dizaines de millions d’euros, « born to be alive »… and rich. Jeff Koons, Damien Hirst, David Hockney, et comme les trois mousquetaires sont quatre, j’ajouterais Takashi Murakami, pour faire bonne mesure.

Cet afflux d’argent a pu conduire des chroniqueurs, comme Annie Le Brun, à décrire “l’enlaidissement du monde” qui frappe, selon elle, notre société depuis l’avènement d’un art contemporain, obsédé, aveuglé par l’argent, et qui serait affranchi de toute considération esthétique. 

Mais ces artistes et leurs œuvres sont bien présents. Ainsi a été inaugurée, à Paris, ce vendredi 4 octobre 2019, en présence du plasticien, la sculpture monumentale le Bouquet de tulipes de Jeff Koons.  

Un parfum de tulipes et de controverses

Certaines personnalités et des artistes se sont opposés à l‘installation de cette sculpture pour des motifs artistiques, son coût exorbitant, ainsi qu’en raison des emplacements successifs prévus pour son installation, jugés à chaque fois inappropriés ( ainsi, devant le Palais de Tokyo, tout près de la Tour Eiffel et du Trocadéro) . 

Des citoyens ont été heurtés par le référent anatomique de l’œuvre.

Enfin, Jeff Koons a pu être regardé comme un emblème d’un art industriel et seulement spectaculaire

La monstration de l’œuvre : démonstration

L’œuvre a été installée sur la parcelle sud du carré Ledoyen, au bas des Champs Elysées dans un décor dû au paysagiste Franck Neau, dispositif dans lequel le spectateur se trouve immergé, absorbé. 

Jeff Koons : Un art du spectacle ou le dispositif de la représentation

C’est dans l’immédiat l’art du spectacle, où l’artiste se met lui-même dans la position de l’œuvre d’art.

Jeff Koons Gazing Ball (Birdbath) 2013
Jeff Koons Gazing Ball (Birdbath) 2013

Jeff Koons Gazing Ball (Birdbath) 2013

La réalisation en plâtre blanc est surmontée d’une boule réfléchissante (gazing ball) en acier sans tain d’un bleu profond. La boule reflète et déforme son environnement ainsi que celui qui la regarde.

Jeff Koons Balloon Dog (2013).
Jeff Koons Balloon Dog (2013).

Le trompe l’œil du matériau ! La différence entre ce que l’on voit et le matériau réel.

Cette sculpture en acier inoxydable avec un revêtement de couleur transparente représente de façon immédiatement reconnaissable un chien en ballon, comme on en voit dans les fêtes populaires.  

Cela ressemble à quelque chose en plastique gonflé, mais, si on le touche, on a bien une sensation d’acier froid. Cette expérience sensible déclenche chez le spectateur une émotion particulière, qui renvoie à sa propre histoire et à son propre être.

Koons met lui-même l’accent sur l’accessibilité de son œuvre, ce qu’il appelle le « removal of hierarchy » (l’élimination de la hiérarchie). C’est-à-dire qu’il rejette tout jugement de valeur ou de hiérarchie artistique, mais aucunement les qualités physiques, matérielles de l’œuvre.

David Hockney L’accentuation des codes de représentation ou l’implication du corps dans le dessin de l’œuvre.

David Hockney, Nude (Teresa Russell) 1984, photomontage de polaroids, 180 x 124 cm, Vered Gallery, New York.
David Hockney, Nude (Teresa Russell) 1984, photomontage de polaroids, 180 x 124 cm, Vered Gallery, New York.

Dans cette œuvre, David Hockney évoque évidemment les odalisques, femmes allongées, offertes aux désirs sexuels, à des tableaux tels que l’Olympia de Manet. Il s’agit aussi d’un collage – et de l’utilisation du numérique – dans le sillage du cubisme synthétique ou analytique, tel « la femme assise » de Picasso ou « le livre » (1913) de Juan Gris.  Mais Hockney accentue la déconstruction et donc le propos.

L’œuvre est dans les tons jaunes et les drapés sont blancs. La bouche de la femme est ouverte et sa langue sort comme une invitation. L’artiste choisit de nous la montrer dans une composition suggérée et littérale, entre réalité et fiction, entre pouvoir et avoir. 

Nous sommes sur un grand format, à l’échelle humaine, comme si c’étaient les femmes de la société d’aujourd’hui. 

Mais il n’y a pas vraiment rupture avec des artistes cubistes, par exemple Picasso,  Les Demoiselles d’Avignon.

Picasso,  Les Demoiselles d’Avignon 243,5 x 233,5 cm, 1907. Huile sur toile Museum of Modern Art.
Picasso, Les Demoiselles d’Avignon 243,5 x 233,5 cm, 1907. Huile sur toile Museum of Modern Art.

Ici, les femmes y sont comme dépliées et  plaquées sur la toile. On y observe déjà l’hétérogénéité et la cohérence plastique, ainsi que la simplification des formes.

David Hockney dit que s’il se concentre sur de beaux corps et des scènes tranquilles, c’est qu’il est : ” fasciné par les artistes dont le travail est optimiste. Je pense que le scepticisme ou le cynisme sont en fait un moyen beaucoup plus facile de commenter l’expérience de la vie “.

On est donc loin, par exemple,  d’une œuvre comme celle de Gina Pane, Azione Sentimentale (Action sentimentale), clichés lors d’une performance réalisée en 1973, qui renvoie à une souffrance ontologique.

Gina Pane, Azione Sentimentale, 1973
Gina Pane, Azione Sentimentale, 1973. Encre de Chine sur papier, épreuve gélatino-argentique, 4 x 31,5 x 22 cm, Galerie Diagramma, Milan.

Le standard influence fortement son mode de penser. David Hockney se place résolument dans le monde des canons de la  beauté des catalogues de mode, des mannequins de son époque. 

Le  respect des codes de représentation du corps humain et l’insertion dans la société paraissent des invariants mais avec un renouvellement de médiums. C’est  une dynamique de contestation des codes de représentation traditionnels avec un rapport de plus en plus marqué avec l’instant, la temporalité du geste, l’artiste conduisant à une relation plus directe avec le spectateur.

Damien Hirst : L’art, la vie, la mort ou la création des images. 

Depuis 1988, Damien Hirst réalise des installations où il traite du rapport entre l’art, la vie et la mort.

On sait qu’une installation artistique est une œuvre d’art visuel en trois dimensions, souvent créée pour un lieu spécifique, in situ,  et conçue pour modifier la perception de l’espace. Le terme « installation » apparu dans les années 1970 s’applique généralement à des œuvres crées pour des espaces intérieurs (galerie, musée) ; les œuvres en extérieur sont le plus souvent désignées comme art public, land art.

Bref,

Damien Hirst, For the Love of God (en français : Pour l’amour de Dieu), aussi connu sous le nom de Skull Star Diamond, 2007.
Damien Hirst, For the Love of God (en français : Pour l’amour de Dieu), aussi connu sous le nom de Skull Star Diamond, 2007.

L’œuvre est une réplique du  véritable crâne d’un homme d’une trentaine d’années ayant vécu au XVIIIe siècle, acheté par l’artiste. La dentition n’a pas été remplacée. La réplique est incrustée sur toute sa surface de 8 601  diamants.  Un diamant rose en forme de poire est également incrusté sur le front du crâne.

Serait-ce une vanité des temps modernes. Non pas, plutôt une forme de fascination de la mort par une référence directe à l’objet représenté, le crâne et les dents sont même une réalité, revue pour un catalogue de mode. Et une forme d’extase moderne, matinée d’une attirance morbide pour le macabre.

Le monde contemporain représenté ou le statut et la signification des images.

Ta Takashi Murakami Tan Tan Bo Silkscreen, 2001
Ta Takashi Murakami Tan Tan Bo Silkscreen, 2001

La planéité de l’œuvre  fait référence à la peinture japonaise traditionnelle autant qu’aux bandes dessinées américaines – une forme de sous – culture qui nous ramène au « remove hierarchy » de Koons.

Ta TaKashi Murakami -Chaos -1999
Ta TaKashi Murakami -Chaos -1999

Au moyen de ses figures, contours et du jeu limpide des formes, l’artiste relie son travail au caractère bidimensionnel de l’image médiatique contemporaine et de l’infographie.

Leur signification se veut aussi claire que l’est son statut médiatique, l’auteur cherche à nous faire réfléchir à une variété de questions, telles que l’impact de la technologie et la mondialisation sur notre identité.

La matérialité et le dispositif de l’œuvre au cœur des processus de représentation. 

Tony Oursler
Tony Oursler

Mais ne serait-ce pas ce même regard complice sur notre monde que ces mousquetaires des arts plastiques, que suggère Tony Oursler, qui projette des images numériques de corps ou fragments de corps sur des sphères modifiant  le support même de l’image !

Au  final, ces artistes sont optimistes, accessibles, et leur œuvre est un reflet facile de notre époque. 

 



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