Les arts, et les arts plastiques, Comment et pour qui ? partie 2

3 October 2019

Les arts, et les arts plastiques, Comment et pour qui ? partie 2

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L’art et le regard du spectateur

Je partirais du postulat qu’une œuvre d’art est un objet, quelque chose qui est regardée comme œuvre d’art et non pas un objet visant d’autres fins, notamment matérielles.

C’est le regard du spectateur (le regardeur)  qui fait le tableau ou l’œuvre d’art (Marcel Duchamp).

Cela vaut pour chaque oeuvre en particulier. J’élargirais l’idée pour soutenir que c’est aussi le spectateur qui décide du sort de l’oeuvre d’art.

Annette Messager, mes voeux, 1989.
Annette Messager, Mes voeux, 1989.

Les  artistes réalisent les œuvres d’art. Mais ce n’est que si  les hommes de la société érudite, intéressée ou curieuse, les reconnaissent comme telles qu’elles le deviennent  véritablement. 

Elles correspondent aux attentes ou sont en avance sur celles-ci, mais c’est le regardeur qui  dira si c’est une œuvre d’art ou si c’est seulement  bon  à être  accrochées dans la pénombre d’un couloir chez la grand-mère. 

Même si le regardeur est grandement influencé par les critiques, les faiseurs de goût, les marchands d’art !

James Turrell, The light Inside, 1999.
James Turrell, The light Inside, 1999. Néon et lumière ambiante, 335,3 x 624,8 x 3596,6 cm, bâtiment Audrey Jones Beck II 24 Wilson Gallery.

Pour ma part, pour les arts plastiques, et ainsi que l’a dit J.R. Soto, les artistes baignent dans l’univers espace-temps-matière, dont le spectateur ne peut donc plus être seulement spectateur puisqu’il en fait partie (l’artiste lui-même évidemment) et que l’œuvre est un dispositif qu’il sera conduit à éprouver.

L’art enraciné dans la vie et l’expérience sensible

John Dewey regrettait que les œuvres d’art soient devenus exclusivement des spécimens des beaux-arts « dissociés de l’expérience ordinaire, et qui fonctionnent comme des signes de bon goût et des garanties d’une culture d’exception» – l’art pour l’art. Il faisait observer que « Même à Athènes, il était impossible de libérer de tels arts de leur enracinement dans l’expérience directe sans qu’ils perdent leur signification » (mais les œuvres de référence trouvent bien sûr leur place dans les meilleurs musées).

Le succès des arts plastiques pourrait aussi être l’occasion de renouer avec cet ancrage dans l’expérience directe. 

L’art et le monde réel (visible et sensible) ou imaginaire (invisible et suprasensible)

Platon a considéré que l’art ne pouvait être qu’une mimesis, et si Aristote a gardé le concept d’imitation de la nature au cœur de la production artistique, il l’a renversé, car il énonce que l’art imite en fait non pas seulement la nature mais la manière dont celle-ci crée. C’est donc le monde réel qui apprend aussi à l’artiste à créer une œuvre originale. Au final, l’art des hommes nous offrirait des œuvres vraisemblables même si elles n’ont pas d’équivalent exact dans le monde réel qui est le nôtre.

Kant – vision actuelle bien qu’ kantienne- souligne la dualité des principes qui gouvernent les sensations et la connaissance. L’expérience et la transcendance s’opposent. Il en découle que dans l’art ce n’est pas le contenu de la représentation qui est fondamental, c’est l’état d’âme qui l’accompagne. La beauté artistique sera alors l’aune à laquelle sera jugée « l’expression des idées esthétiques » de l’artiste.

Bergson (figure de proue du vitalisme philosophique) a écrit dans la Pensée et le Mouvant, « mais, de loin en loin, par un accident heureux, des hommes surgissent dont le sens ou la conscience sont moins adhérents à la vie. La nature a oublié d’attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d’agir. (…) Par un certain côté d’eux-mêmes, soit par leur conscience soit par un de leurs sens, ils naissent détachés (…) et c’est parce que l’artiste songe moins à utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses ». L’art serait alors une vérité révélée à l’artiste qui la transmettrait au spectateur.

Beaucoup d’artistes ont partagé cette conception, disons romantique, du génie artistique, en tant qu’il s’agirait d’une capacité créatrice, purement psychique (surréaliste), instinctive, qui produirait des façons d’interpréter le monde. Même s’il s’agit souvent d’une posture de l’artiste,  différente de la réalité de son œuvre (par exemple Bacon, beaucoup moins intuitif qu’il n’a bien voulu le dire).

On peut toutefois faire remarquer qu’en ne cherchant pas à « percevoir », cette conception vide l’artiste de ses expériences sensibles et rompt  les liens vitaux avec le monde réel et les autres êtres humains. Alors même que l’artiste peut réagir de façon consciente et selon sa propre volonté aux influences des époques historiques, des relations économiques, sociales et culturelles pour interpréter la réalité de son monde sous tous ses aspects. Et réinventer le monde…artistique du présent.

Le point de vue de l’artiste

Heureusement les artistes, non pas nous révèlent, comme le soutient Bergson, mais nous présentent leur vision artistique.

Ils aiment ou ont besoin de communiquer, de se faire comprendre, de faire valoir leur valeur et d’être reconnus par la société.

Par exemple Degas ne disait-il pas « Le dessin n’est pas la forme mais la manière de voir la forme » et, de Monet,  il rappelait qu’il n’était peut-être qu’un œil « mais quel œil ».

Kandinsky, par exemple ou Paul Klee et bien sûr bien d’autres artistes, ainsi que très souvent les artistes contemporains,  nous livrent leurs conceptions artistiques

Ainsi, sommes-nous conduits non seulement à regarder les œuvres mais aussi à rechercher l’intention de l’artiste. En les lisant, les écoutant, mais aussi en les découvrant.

Ces ouvrages nous aident aussi à rationaliser notre approche des créations des artistes, en nous aidant à étudier à travers leurs théories esthétiques les formes, les règles et les fins recherchées.

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L’art du point de vue du professeur d’arts plastiques

Pour le professeur d’arts plastiques que je suis, les arts ne sont pas une catégorie ou une entité abstraite.

Les arts, comme toute activité humaine,  se construisent à partir du monde réel. Ils sont marqués par les liens historiques et sociaux existants à l’époque de leur création.

Autrement dit, les œuvres d’art se créent à partir d’une intelligence, d’une conscience et d’une activité humaines ancrées dans une réalité vivante et changeante selon les époques.

Ainsi les arts plastiques en tant que tels sont bien les arts de notre temps, du temps présent,  et c’est dans cet esprit que je les enseigne. Et notamment les arts numériques, qui sont ceux de la génération de mes élèves.

 



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