Greuze dans son siècle, le  XVIIIème siècle. Greuze sixième partie

5 May 2024

Greuze dans son siècle, le  XVIIIème siècle. Greuze sixième partie

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Le XVIIIème siècle commence en réalité avec la mort de Louis XIV en 1715 et la Régence.

Le début du règne de Louis XV s’est fait dans un contexte de volupté où la noblesse et les notables recherchent une vie faite de plaisirs. Le Régent avait rompu avec l’austérité des dernières années de Louis XIV.  Louis XV continuera ce goût des fêtes galantes.

Lorsque Louis XV a été couronné roi en 1722, à l’âge de 12 ans, prédominait en France le style rocaille, appelé ailleurs rococo, né à la fin du règne de Louis XIV. Tout un jeu de courbes et de contrecourbes qui se terminent en volutes. Une ornementation de minéraux, de végétaux ou d’animaux autour de formes galbées, particulièrement animée sous la main de l’artiste, un Cressent par exemple, l’inventeur du « Style Louis XV », au point de faire disparaître l’objet sous sa décoration. Palmes, coquillages ou mascarons stupéfient l’imagination, forcent l’émotion brute, immédiate, viscérale. 

Jean-François Oeben ou Jean-Henri Riesener au milieu du siècle  imposeront, dans le mobilier d’intérieur, le style Transition qui évoluera vers le Néo-classicisme, style qui triomphera dans la peinture à la fin du siècle et qui se caractérisera par sa rigueur et sa peinture lisse, sans trace du geste de l’artiste, influencé par les bas-reliefs de l’antiquité.

Sous son règne, mesdames de Pompadour (née en 1721, favorite du roi Louis XV à partir de 1745), puis du Barry (maîtresse du roi de 1768 à la mort de celui-ci en 1774), lesquelles mariaient heureusement l’amour du Roi à celui des arts, influenceront une partie de la vie culturelle de la France.

Mais pour l’heure, dans le domaine politique, sous Louis XV, la société d’ordres, absolutiste, n’était pas encore remise en cause. Néanmoins, les anciennes hiérarchies sociales se brisaient et les rapports entre les anciennes et les nouvelles élites se voyaient redéfinis.

La réputation et le statut social ne seraient plus pour très longtemps une question de titre ou d’origine, mais se fonderaient de plus en plus sur les principes du mérite, de la raison et du talent hérités des Lumières.

Et la fin du siècle verra les derniers jours de Versailles et La Révolution française.

C’est en 1725, année du mariage de Louis XV avec Marie Leczinska, qu’est né Jean-Baptiste Greuze. Ce sera donc sous un règne déjà entamé de Louis XV, que, devenu adulte, il commencera sa longue carrière d’artiste, qui s’achèvera en 1805. De fait Greuze est un artiste de la seconde moitié du XVIIIème siècle (Les œuf cassés, l’une de ses premières grandes toiles date de 1756).

L’œuvre de Greuze sera marquée par toutes les évolutions artistiques et politiques du siècle. Peu pensionné par le Roi, peu introduit à la Cour, et dépité après ses déconvenues avec l’Académie royale de peinture et de sculpture  (voir Greuze et le tableau d’histoire, sur ce site), il se frayera un chemin culturel singulier dans cette seconde moitié du siècle.

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L’art, dans la première moitié du XVIIIème siècle, des déjeuners sur l’herbe ou dans les riches appartements ou salons.

Louis Lancret a peint en 1735 un déjeuner sur l’herbe. Cette œuvre était destinée à la salle à manger des petits appartements que le roi, alors âgé de 25ans, se fit aménagé à Versailles.

Louis Lancret « déjeuner sur l’herbe »,  1735, 188x123cm, musée Condé, Chantilly.

Sous l’égide d’un satyre, les convives, au visage couperosé, installés à la diable, se délectent d’un jambon, bien accompagné de vin à en juger par les bouteilles vides, les assiettes brisées, dans un climat de fête. Une jouissance rapide et intempestive des plaisirs.

Le tableau est cadré comme une scène de genre ou une rencontre mondaine, mais le blanc et le jaune doré renvoient toutefois aux codes du Rocaille et plus largement au rococo qu’on trouvera en Europe.

Jean-François de Troy, Le déjeuner d’huîtres, 1735, huile sur toile, 126x180cm, Musée Condé, Chantilly.

L’art baroque est encore bien présent notamment dans le décor architectural. Le désordre de la scène est bien celui d’un mode de vie mis en relief par une perspective décalée dans un imbroglio baroque. Mais on est bien proche du rococo.

Cette manière effrénée de profiter de la vie traversera tout le XVIIIème siècle.  Epoque où les nobles et les riches, jeunes ou vieillards, regardaient l’élégance et les douceurs de la vie comme des besoins, comme des prérogatives et comme un signe de leur supériorité sociale et politique.

Cette vision hédoniste pour une caste de priviligiés sera maintenue jusqu’aux dernière heures de la monarchie absolue se manifestant encore pendant la Révolution et même jusque dans les prisons lors de la Terreur.

Ainsi, le comte Beugnot, enfermé, pendant la Révolution française, dans la prison de la Force, qui se trouvait dans le 4ème arrondissement de Paris, écrit dans ses mémoires : «qu’elle réservait, il est vrai, des privilèges enviables : on y faisait une excellente chère ; un cuisinier ad hoc et des plus renommés de Paris était établi en face de la prison pour le service de la prison. La plupart des occupants de la suite, qui avaient dans leur cave de ces vins qui gagnent à être oubliés, les exhumaient pour la circonstance. Dans l’après-midi, la chambre se garnissait de tables de whist, de piquet, d’échecs… ». (Mémoires du Comte Beugnot (1783-1815, chez « Le temps retrouvé » page 238). La misère régnait partout dans Paris.

Le même témoignage se retrouve dans les mémoires de l’abbé de Salamon, internonce à Paris, homme de confiance du Pape Pie VI sous la Révolution. Il se trouvait le 2 septembre 1792 enfermé dans la prison militaire de la Tour de l’Abbaye à Paris. Sa situation était donc peu enviable. Pour déjeuner les prisonniers fortunés pouvaient faire appel à des hôteliers extérieurs à la prison « Le traiteur avait fait dresser une table et à deux heures de l‘après-midi on apporta le repas. Je vis entre autres de fort belles volailles bouillies, mais je ne vins pas prendre ma place parce que, au même instant, mon domestique m’apporta un petit repas dans une corbeille bien recouverte. Il se composait d’une soupe à la Borghèse, de radis, de bœuf bien tendre bouilli, d’un poulet gras, d’artichauts au poivre, un de mes mets préférés, et de belles pêches. Il y avait en outre un couvert d’argent et une bouteille de vin ».

On voit ainsi le fossé profond qui sépare les classes aisées et détentrices du pouvoir du peuple qui connaissait la famine, n’ayant ni pain ni brioche.

On imagine alors aisément comment avant la Révolution la société française était durement inégalitaire et comment les plus démunis la vivaient douloureusement.

Dans ce contexte, la peinture du début du siècle et seulement au début de ce siècle rendra à cet état d’esprit de plaisirs, de frivolités et d’insouciance une sorte de reconnaissance au travers de chefs d’œuvre qui ont conféré au début du XVIIIème siècle une image de gaité qui lui est resté. Le XVIIIème siècle est assurément sur le plan pictural le plus gai et le plus empreint de légereté de tous les siècles.

Le monde des fêtes galantes

C’est d’abord la scène de cour et l’art de la mise en scène.

Nicolas Lancret, Fête champêtre (danse devant une fontaine), 1728, musée du  Louvre, Paris.

Ce type de tableau n’est pas une image du monde réel. Ce décor n’existe pas en réalité et la scène est entièrement reconstruite. Il s’agit de références à des ruines vues en Italie, à des tableaux de la Renaissance et des danses, comme les « masques et bergamasques » de Rimbaud, plus tard, qui sont en partie des visions poétiques.

Nicolas Lancret, Le Bain du printemps, musée d’Edimbourg

Le Bain du même Nicolas Lancret accentue davantage le rôle du paysage et, tout en conservant les robes soyeuses, perd, dans l’anecdote, la poésie des scènes de groupe (Le printemps, 1738, Louvre).

Mais ce monde des fêtes galantes verse aussi parfois dans la mélancolie. D’Annunzio a décrit un tableau imaginaire, recension, par un romancier de la Décadence, de ce type de peintures.

Dans « L’Enfant de volupté (1895) » il parle  : « de la musique du XVIIIème siècle, si mélancolique dans les airs de danse : des airs qui semblent faits pour être dansés en un languissant après-midi de l’été de la Saint-Martin, dans un parc abandonné, au milieu de fontaines devenues muettes et de piédestaux sans statues, sur un tapis de roses mortes, par de couples d’amants qui vont cesser de s’aimer ».

Etre ou Paraître…être

Marivaux avait, de son côté, une forte ambition, morale et sociale. Il se posait la question de savoir si l’on est apprécié pour soi-même ou pour ce que l’on représente (titre de noblesse, privilèges, fortune patrimoniale, richesse). Le tableau, ci-dessous, de Jean-François de Troy n’y répond probablement pas, faisant la part belle aux apparences de personnages fort maniérés.

Jean-François de Troy, La Déclaration (1731) Château de Charlottenburg, Berlin.

En 1737, Marivaux faisait jouer à la Comédie italienne à Paris sa pièce « Les fausses confidences ».  Aramiste, une jeune femme, rejette la proposition de sa mère d’épouser un jeune noble, le comte Dorimont, un homme de condition, fortuné et chamarré. Elle lui déclare « Il est vrai que je suis toujours fâchée de voir d’honnêtes gens sans fortune, tandis qu’une une infinité de gens de rien, et sans mérite, en ont une éclatante ».

Sa mère s’émeut : « Ma fille n’a qu’un défaut ; c’est que je ne lui trouve pas assez d’élévation: le beau nom de Dorimont et le rang de comtesse ne la touchent pas assez ; elle ne sent pas le désagrément qu’il y a de n’être qu’une bourgeoise ».

Le puissant a pour Marivaux tous les privilèges, sauf la satisfaction de se voir aimé au-delà de son rang, de sa puissance, de sa fortune. Et en ce sens, il jette les prémices de nouveaux rapports sociaux, où les personnes doivent être aimées pour ce quelles sont et leur valeur et non pas pour leur naissance ou leur position sociale ou financière.

Dans les comédies de Marivaux, les personnages se déguisent. L’un d’eux, de noble extraction et bien habillé, s’entendait dire : « Que vous êtes de haut rang, que cet habit est galant ». Il se déguise alors et se voit dédaigné : « J’ai pris d’autres habits, voilà tout, et c’est eux qui sont aimables, et non pas moi ».

Et, dans la peinture, ce souci de soi, de vouloir être apprécié, jugé pour ce que l’on est  conduira au développement d’un goût chez les notables, et d’une façon générale chez les nouvelles élites, qu’ils soient banquiers ou savants, pour le portrait, leur portrait. Cela répondra à une demande de reconnaissance de leur dignité et de leur valeur (voir article sur ce site, « Les portraits de Greuze autres que ceux de jeunes filles »).

La peinture témoigne aussi de la  rigidité sociale de l’époque

Michel Barthélémy Ollivier, Thé à l’anglaise, 1763.

La vie mondaine est codée, chacun est à sa place, les attitudes comme les postures relèvent de l’étiquette. Les regards qui partent dans toutes les directions montrent le côté factice de ce monde.

L’idéologie néoclassique et bourgeoise de la vertu

Dans le même temps commençait de se produire un revirement, rejetant les fards et les poudres, toute la mascarade artificielle d’une société élégante. “Le goût pour les plaisirs prend un essor trop vaste” (Marie-Anne du Boccage).

Des écrivains, des philosophes, principalement Rousseau, affirmaient que l’homme, né avec de bons sentiments, n’était perdu que par la mauvaise organisation de la société.

Diderot prônait la vertu et de fortes valeurs morales comme la bonté. Greuze reprendra ces valeurs de bonté, d’indulgence:

“Des chars brillants de la richesse

Qu’on soit ivre à la cour, à Paris envieux,

Laissons sa sottise au vulgaire.

La bonté, la vertu, la beauté, les talents

Seront pour nous qu’un goût plus sûr éclaire

Les seules grandeurs sur la terre

Dignes qu’en leur faveur on distingue des rangs :

Tout le reste n’est que chimère.”

Dithyrambe (poème plein de fougue de Diderot  « Les Eleuthéromanes  »

L’opulent portrait d’apparat baroque et le portrait historié, celui de la grande manière, vont tomber en disgrâce parce qu’on projeta sur le genre du portrait de nouvelles valeurs sociales telles que le naturel, le renoncement au luxe, l’individualité et l’intimité.

Jean-Baptiste Greuze s’appliqua à satisfaire la recherche d’une expression vraie de cette “débauche de morale”, comme on disait alors, et ses tableaux arrivaient au bon moment culturel, moral et psychologique pour intéresser un public lassé des pastorales et des amourettes.

Aussi Greuze représente-t-il de manière exemplaire la nouvelle sensibilité en matière d’art. Il a associé sa manière propre d’exaltation et ostentatoire de la sentimentalité à l’expression des idées morales ambiantes.

C’est ainsi que ses grands tableaux, peints selon un art descriptif à la manière hollandaise, connurent un grand succès, alors même que ses mises en scènes larmoyantes ou outrancières, aux couleurs indécises et sourdes peinent aujourd’hui à nous séduire. 

Jean-Baptiste Greuze, L’accordée du village, 1761, huile sur toile, 92x117cm, musée du Louvre, Paris.

Il s’agit là de la première réalisation d’un type de peinture dans lequel Greuze devait s’illustrer à plusieurs reprises par la suite : la « peinture morale ».

Présenté au salon de peinture de 1761, où il reçoit un accueil élogieux de la part des critiques, notamment de la part de Denis Diderot, qui voulait, en art, « rendre la vertu charmante et le vice odieux ». Aussi pouvait-il écrire à Greuze « Courage, mon ami Greuze, continuez toujours à peindre de tels sujets ».

Dans une maison paysanne, un père âgé assis à côté du tabellion, aujourd’hui on dirait un clerc de notaire, qui vient de rédiger le contrat, remet un sac d’argent et profère quelques préceptes et bonnes paroles à son futur gendre. La douzaine de personnages disposés en cercle, avec un arrière-plan fait de formes rectilignes, manifeste une humble dignité et un sentimentalisme affiché. Le tableau vendu 9000 livres en 1761 fut revendu 16 650 livres en 1782 pour le cabinet du roi. La cour de Louis XVI n’était plus celle du jeune Louis XV et les courants dévots – que soutenaient notamment les filles de Louis XV- marquaient aussi, parallèlement à celle des Lumières, leur emprise.

Déjà à Rome, en 1756, lorsqu’il peint les œufs cassés, il aborde ce thème de la morale et du discours édifiant, mais l’insère cette fois dans un cadre strictement familial. La scène se déroule en effet au sein d’un foyer, un jeune homme se fait sévèrement réprimander pour avoir cassé des œufs aux pieds d’une jeune femme honteuse, les yeux baissés. Is ont cassé les oeufs car ils étaient tout entiers à leurs préoccupations amoureuses.

Jean-Baptiste Greuze, Les oeufs cassés, 1956

Mais son art sera finalement emporté par la vague impétueuse du néo-clacissisme, lancée par le peintre Joseph-Marie Vien. David (1748-1825), influencé par les découvertes antiques récentes et les études de Winckelmann, sera le représentant le plus émérite de ce style, qu’il mettra en œuvre dans des tableaux historiques (Le serment des Horace) à la signification symbolique, et l’esthétisation des grandes scènes d’actualité, voire un retour à la grande peinture d’histoire, qui avait fait les beaux jours de l’Académie royale de peinture et de sculpture. (Serment du jeu de Paume, Marat assassiné, sacre de Napoléon).

Une église très présente à tous les niveaux de la société et dans le monde des arts.

La rivalité entre jansénistes et jésuites a tourné au milieu du siècle à l’avantage des premiers. En 1750, le Parlement de Paris déclare que l’ordre des Jésuites « nuit à l’ordre civil, viole la loi naturelle et détruit la religion et la morale ». Ce qui par contrecoup permet d’observer que le Parlement défend « l’ordre civil, la loi naturelle, la religion et la morale ». Tout un programme.

Le pape prononcera la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773.

Le clergé assure une emprise forte sur la société. Le haut clergé, dont certains de ses membres en ont d’ailleurs la condition, est proche de la noblesse. Le bas clergé s’assure de la foi du peuple souvent ignorant et vivant dans la crainte de la puissance divine et dans une sorte de terreur provoquée par des grandes frayeurs et des peurs viscérales. Le siècle verra des dévotions très marquées au Sacré-Cœur et à la Vierge. Il y a une réelle vitalité religieuse et une grande présence de l’église dans la société française.

Un édit de tolérance de novembre 1787, préparé par Malesherbes, permettant aux protestants et aux juifs de disposer d’un état civil et d’un statut juridique apportera un peu d’air, c‘est à dire de liberté religieuse, dans un pays où, à l’instar de Montaigne, qui le dit clairement dans ses Essais, le peuple devait avoir la religion de son roi.  Cette tolérance religieuse, chère à Voltaire, indispose le pape et le clergé, comme le note l’internonce l’abbé de Salamon, qui s’y est opiniâtrement opposé, dans ses mémoires, déjà citées,

Greuze exploitera cette situation sur le plan esthétique, comme en témoigne sa lettre à Messieurs les Curés de France : “Messieurs, il va paraitre une estampe qui a pour titre : la Veuve et son Curé ; ce sujet est une suite des divers caractères de la vie que j’ai déjà traités.  Elle représente un curé qui va aider une veuve et les enfants de ses conseils et leur donner des leçons de vertu.

Jan-Baptiste Greuze, La Veuve et son curé, 1784, peinture sur toile, 128×161 cm, Musée le Ermitage, Saint-Petersbourg

“La scène est à la campagne ; dans un salon simplement décoré ; cette mère, encore dans l’âge de plaire, est en déshabillé du matin et entourée de ses enfants ; le curé vient d’entrer ; on lui a offert le siège le plus distingué, il s’assied, et un grand chien est à côté de lui ; alors il s’adresse avec dignité et bonté à la fille aînée qui, d’un air aussi respectueux qu’embarrassé, la main droite sur la poitrine, s’excuse ingénument des reproches qu’il lui fait ; la mère sourit avec un regard doux et modeste, et tourne ses yeux vers le curé ; les deux mains ouvertes de la mère expriment son admiration et sa reconnaissance » écrit-il.

Mais il échappera au courant de bigoterie qui traverse le clergé et plus tard la Cour, avec même un courant qui se dit officiellement bigot, proche du Dauphin.

L’Académie royale de peinture et de sculpture et les salons de peinture

Fondée en 1648 sous l’égide du peintre Charles Le Brun et dotée de nouvelles lettres patentes par Colbert en 1663, l’Académie royale de peinture et de sculpture est une institution centrale du « système des arts »  de l’Ancien Régime.

Cette création a permis de distinguer la production artistique et académique de la production dite « artisanale » de dessins, décorations  et peintures que l’on retrouvait un peu partout (peintures murales, peintures d’armoiries, de carrosses ou d’intérieur,  enseignes ; les polisseurs de marbre, les doreurs les vernisseurs, les fabricants de couleurs, les enlumineurs).

La première catégorie, celle des artistes, ne sera plus gouvernée par le régime des corporations comme continueront à l’être les artisans agissant dans le domaine de l’art. Le peintre sera un artiste de pratique libre d’un art libéral. Et il défendra les valeurs artistiques sur celles de l’artisanat.

Dès sa création, l’Académie sera proche du Roi. Le parlement était en effet traditionnellement acquis aux corporations depuis 1661 au moment particulièrement critique pour le pouvoir royal de l’union des deux Frondes, celle du parlement et celle des princes. Le Roi appuiera les artistes de l’Académie royale à coups de commandes officielles, de pensions à vie, d’hébergements gratuits, d’exonérations des charges comme le service à la milice municipale, d’octroi de postes de professeurs d’arts, d’exemption aux taxes imposées autres arts et métiers, comme la taxe d’industrie et de commerce… sa politique artistique s’appuie sur l’Académie qui sera, en tant qu’institution, entièrement acquise à la monarchie.

Ce système fait de l’Académie la seule instance légitime de l’art libéral et donc de l’artiste. Elle finira au siècle suivant par devenir étouffante pour la liberté créatrice de l’artiste. Naîtrons alors des relations orageuses avec nombre d’artistes, notamment les impressionnistes.  Mais au XVIIIème siècle l’Académie triomphait et se voyait confirmer son monopole sur l’enseignement public et sur les expositions publiques de peinture et de sculpture

A partir de 1737, face à la demande croissante des amateurs d’art, une exposition annuelle de peinture aura lieu à Paris, appelé Salon. L’Académie cherchera à y imposer sa vision du goût.  Elle introduisit un organe de contrôle supplémentaire, appelé Jury du Salon, en 1748.

Cet évènement culturel aura une double conséquence, la première étant la naissance de la critique d’art à l’initiative notamment de Diderot.

La seconde sera qu’à côté des commandes officielles se développera un marché de la peinture, notamment auprès des bourgeois. Et c’est sur marché que Greuze déploiera principalement son activité et y gagnera des sommes importantes, sous le contrôle de l’Académie certes mais sans être tributaire des seules commandes officielles, c’est à dire celles du roi et de la grande noblesse.

Les trois générations des Lumières dans le siècle

La première génération s’épanouit avant 1750. Montesquieu (1689-1755) se fit d’abord connaître par une œuvre littéraire décisive, caractéristique de la Régence, Les lettres persanes (1721), où sont décrits les nombreux travers de la société. Parmi les multiples voyages qu’il effectue en Europe, celui qu’il effectue en Angleterre le marque de façon décisive. En 1748, paraît De l’esprit des Lois, où il se déclare pour une monarchie tempérée par l’équilibre des pouvoirs (Le pouvoir législatif au Roi et le pouvoir juridique à la seule Haute aristocratie toutefois). Louis XV refusera toujours d’en autoriser la publication mais le livre circulera néanmoins.

Montesquieu en 1728 (peinture anonyme),

1728, année où il entrera malgré tout à l’Académie française grâce à l’appui de la la marquise de Lambert

Voltaire (1694-1778) appartient à la même génération. Lui aussi est séduit par l’Angleterre, où il séjourne de 1726 à 1729. Il est l’auteur de récits comme Candide puis s’oriente vers la philosophie politique. Les lettres philosophiques, publiées en 1734 abordent des sujets variés : la religion, les arts, la politique ou la philosophie ; elles font l’éloge du gouvernement anglais et de la tolérance. Le Parlement de Paris condamne le livre à être lacéré et brulé. Célèbre dans l’Europe et protégé un temps par le roi de Prusse Frédéric II, il lutte contre le fanatisme et se fait souvent l’adversaire de la religion. Plus qu’aucune autre figure du début du siècle, Voltaire symbolise la France des Lumières.

Portrait de Voltaire vers 1724-25, par Nicolas de Largillierre

Au milieu du siècle, de nouveaux noms s’imposent.  La plupart collaborent à l’Encyclopédie, animée par Diderot (1713-1784) et le mathématicien d’Alembert (1717-1783).

Louis-Michel Van Loo, Portrait de Diderot, 1770 (accrochage lors d’une exposition temporaire au musée des Beaux-arts de Dijon) Diderot apparaît en buste, chemise blanche et gilet noir témoignant d’une assurance de soi et d’un nouveau rapport au vrai et au naturel.

Bien qu’apparaissant isolé, le Genevois Rousseau (1712-1784) est un penseur qui influencera profondément la société française. Son Discours sur les sciences et les arts (1750) et son Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes (1754)  vont à l’encontre de la pensée dominante de l’époque en critiquant l’idée même du progrès, alors à ses débuts. Trois œuvres  capitales le projetteront sur le devant de la scène intellectuelle, un roman, La nouvelle Héloïse (1761), dont la sentimentalité influence la mentalité de l’époque et conforte celle de Greuze ; Emile ou de l’Education (1762) et  Du Contrat social (1762), où il évoque la souveraineté populaire. Ses Confessions témoignent de la finesse de son écriture et de la délicatesse de ses sentiments.

Pastel de Quentin de La Tour , Jean-Jacques Rousseau, 1753.

La fin du siècle, dominée par la pensée de Rousseau, voit une floraison de philosophes dans la lignée de Locke comme Helvetius (1715-1771) et aussi l’émergence de philosophes matérialistes comme le baron d’Holbach (1723-1789). Dernier grand penseur du siècle, le mathématicien Condorcet (1743-1794) rédige, avant de se suicider, une Esquisse historique des progrès de l’esprit humain.

Mais pointe déjà des  courants de pensée qui rejettent le rationalisme et préfigurent le romantisme du siècle suivant.

Pour Diderot « Greuze est mon peintre ».

Diderot Louis Michel Van Loo, 1757, musée du Louvre, Paris.

Greuze et Diderot ont été pendant un temps très proches. Ce que Diderot reprochait aux peintres de son temps, ce sont les conventions académiques. Les jeunes peintres copient un modèle, notamment dans les sujets historiques, qui prend toujours les mêmes positions contraintes, apprêtées, arrangées. Pourquoi ne pas peindre selon la véritable nature, la condition des personnages, leur manière de vivre. Sans doute qu’à n’imiter la nature, le peintre risquera d’être faible et mesquin, de faire de tableaux qui manquent de caractère, d’expression.

Aussi, pour Diderot, le peintre ne doit pas se borner à représenter exactement des êtres humains ou des objets, il doit avoir des grandes idées. Le peintre devra découvrir des sujet à idées qui ne sont pas simplement des motifs à décoration.

Cette conception de l’art était partagée par Greuze. Celui-ci veut une peinture littéraire. Il recherche une tragédie bourgeoise ou populaire. Il veut des personnages aux prises avec les difficultés quotidiennes ; plus de héros, plus de rois, mais de braves bourgeois, des pères de famille. Du Courbet avant Courbet.

Il ne veut pas peindre, comme Boucher de façon décorative la maîtresse du roi ou brosser d’agréables figures dans des ensembles sans vérité. Il veut retrouver une force expressive qui représente la vie véritable dans de scènes qui ont une vraie force morale ou exemplaire.

Le peintre doit aussi se faire psychologue, étudier le jeu de sentiments, les rapports qu’entretiennent les protagonistes de la scène représentée, les modifications qu’apportent l’âge, la condition, le métier.

Jean-Baptiste Greuze, L’enfant gâté,(entre 1760 et 1765) , sujet de genre, scène d’intérieur, peinture sur toile, 66,5 x56 cm, musée de l’Ermitage, Saint Pétersbourg.

Cette scène vise à a ennoblir le sentiment d’indulgence de la mère pour son fils, qui donne sa soupe au chien de la maison. Cela donne aussi l’occasion à Greuze de faire usage de sa grande habileté, de sa dextérité, acquise chez Grandon, dans la représentation de toutes sortes d’ustensiles et de vêtements divers.

Sans doute Greuze tombera dans un excès de pathétique, d’outrances gestuelles, d’une trop grande propension à l’édification morale.

Mais plus que Chardin ou Boucher, il aura été le peintre du siècle des Lumières.

Les salons mondains servent d’assise à la diffusion  des  arts.

La vie culturelle se disséminait en centres divers, notamment autour de salons distingués, ceux de Mme d’Houdetot, de Mme Suard, de Mme Lambert ou celui de Mme de Tencin (la mère de D’Alembert), qui s’intéresse davantage à l’actualité. Ou ceux de Madame Geoffrin ou de la marquise du Deffand qui  sont tournés vers des questions de connaissances et de société.

Ils sont de nature et de caractère très différents. Certains salons sont marqués par la présence de libres penseurs ou de francs-maçons (la première loge maçonnique en France date de 1715). Mais ils ne sont pas tous, loin s’en faut, hostiles à la monarchie ou à la religion.

Si ce ne sont pas précisément des centres de divertissement et de loisirs, ils offrent toutefois bien des agréments et des plaisirs à leurs hôtes, dîners fins ou concerts. Mais chaque salon a ses caractéristiques et ses habitudes.

Parmi les premier salons, correspondant à la première génération des Lumières, est célèbre celui de la marquise de Lambert.

Nicolas de Largillière, (Paris 1656-Paris 1746), Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles, La Marquise de Lambert (1647-1733) vers 1710, huile sur toile,  hauteur : 81 cm ; largeur : 65 cm, musée Carnavalet, Paris.

La marquise de Lambert (1647-1733) est célèbre pour le salon qu’elle tenait à Paris dans le premier tiers du 18ème siècle et, notamment, sous la Régence. Protectrice des « Modernes »  (Fontenelle, La Motte, Marivaux, Montesquieu), elle critique cependant les libres penseurs. Elle écrit aussi. Ainsi, dans son Traité de l’amitié, : «  Les rois ne sauraient jamais jouir de la certitude d’être aimés pour eux-mêmes : c’est toujours le roi, et rarement la personne. »

Et elle publie des ouvrages où s’exprime une pensée féministe, plaidant notamment pour l’émancipation des jeunes filles par l’éducation.

A partir de 1749 et jusqu’en 1777, Madame Geoffrin prendra le relais de madame de Tencin. Son salon sera célèbre, car elle reçoit les Lumières de la seconde génération et devient notamment la  Protectrice de l’Encyclopédie, dont elle subventionna la publication (elle est mariée au directeur de la Manufacture royale de glaces et miroirs).

Jean-Marc Nattier, portrait de Madame Geoffrin , 1738, Musée d’art Fuji de Tokyo

Gabriel Lemonnier, Une soirée chez Madame Geoffrin en 1755 

Mme Geoffrin (1699-1777) tint rue Saint –Honoré, un brillant salon que fréquentaient Joseph Vernet, Boucher, La Tour, Marivaux, d’Alembert, etc. Sainte-Beuve l’a évoquée dans un article paru le 22 juillet 1850 : « Ce qui  caractérise en propre et lui mérite le souvenir de la postérité, c’est d’avoir eu le salon le plus complet, le mieux organisé et, si je puis dire, le mieux administré de son temps, le salon le mieux établi qu’il y ait eu en France depuis la fondation des salons, c’est-à-dire l’hôtel Rambouillet. Le salon de Mme Geoffrin aura été l’une des institutions du XVIIIème siècle ».

On sait que Greuze y a participé en 1761 à une discussion avec Diderot, d’Alembert, Grimm, à la suite de la publication des « Contes moraux » de Marmontel.

Sophie Arnould, actrice et cantatrice recevait aussi chez elle des artistes, des hommes et des femmes des Lumières, des personnalités politiques.  

Greuze l’a peinte à plusieurs reprises

Jean-Baptiste Greuze, Sophie Arnould, 1773

Jean-Baptiste Greuze, Portrait de femme, dite Sophie Arnould(1744-1802), vers 1770, 50 × 39  cm, Wallace Collection, Londres.

Les savants et philosophes joueront ainsi un rôle essentiel pour donner aux salons un caractère sociétal. Et les artistes seront bien souvent leurs admirateurs, leurs interprètes et leurs amis.

Les loges maçonniques entrent dans la danse

La première loge maçonnique française semble être celle du Louis d’Argent créée entre 1725 et 1732 à Paris. La franc-maçonnerie s’épanouit en France tout au long du XVIIIème siècle, développant la philosophie initiatique de la lumière fondée sur la foi en la raison, la croyance en la perfectibilité de l’homme, l’affirmation qu’un être suprême donne un but à l’univers. Mais en pratique les francs-maçons se montraient en France fidèles au roi et à l’ordre établi chrétien. Ils rechercheront, alors dans une sorte d’élan vital, la vérité au moyen de la connaissance.

En 1771 sera créé le Grand Orient, en hostilité aux maîtres des loges de Paris. Ceux-ci réagirent en créant la Grande Loge de France.

Toutes les classes de la société sont gagnées par les idées maçonniques mais la place prise par les aristocrates donnera aux maçons un attachement à la monarchie et un ancrage chrétien marqués. Les francs-maçons croient en Dieu dans une France catholique. Ils profèrent une déférence au roi et une adhésion au système culturel et religieux de la monarchie absolue.

Tous les francs-maçons ne sont pas logés à la même enseigne. Conformément à l‘esprit du temps et comme pour la vénalité des offices, les aristocrates sont propriétaires de leur loge maçonnique.

La franc-maçonnerie – comme dans le reste de la société – se faisait entre gens du même monde, aristocrates, d’un côté, négociants et bourgeois ou militaires, de l’autre, se voyant exclus les pauvres, les comédiens, les juifs, mais non pas les protestants qui n’avaient pourtant  aucune existence civile  – ce sera l’édit de tolérance de novembre 1987, préparé par Malesherbes, qui leur permettront ainsi qu’aux juifs de disposer d’un état civil et d’un statut juridique. Le monde littéraire et artistique était fort représenté.

Le premier grand-maître choisi le 27 juin 1738 sera le duc d’Antin, Louis de Pardaillan de Gondrin, aidé en cela par le duc de Richelieu. En 1773, jusqu’à la Révolution française, le Grand Orient –ou Ordre royal de la franc-maçonnerie- prospèrera sous la direction nominale du duc de Chartres, fils du duc d’Orléans ( Philipe Egalité), le futur roi Louis-Philippe.

Ecole française, Philippe, duc d’Orléans et régent de France, dans son cabinet de travail avec son fils le duc de Chartres, vers 1717, huile sur toile, 103 x138 cm, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

La franc-maçonnerie, dont le rôle dans le déclenchement de la Révolution ne sera qu’indirect compte tenu des liens étroits qu’entretenait la hiérarchie maçonnique avec le pouvoir royal, participera  fortement à la vie culturelle et artistique du siècle.

L’hôtel du Temple – démoli sous Napoléon 1er – fut occupé à partir de 1749 par le prince Louis-François de Bourbon de Conti, le Grand maître de l’ordre étant alors le comte de Clermont.

Il y réunissait ses fidèles  « frères et sœurs » aristocrates maçons. Il y avait La comtesse de Boufflers, l’ « Idole du Temple » puisqu’elle était la maîtresse du prince . On y voyait aussi la maréchale de Luxembourg  « La chatte rose », Mlle Vierville, MM. De Pont-de-Veyle, Vaudreuil, la maréchale de Mirepoix… Etait convié…Mozart, franc-maçon et surtout, comme on le sait, car il n’apartenait pas à la noblesse, compositeur et pianiste de génie. 

Tous les personnages énoncés ici se retrouvent dans ce tableau peint en 17663 ou 1766 par  Michel Barthélémy Ollivier (1712-1784)

Michel Barthélémy Ollivier, Le Thé à l’anglaise dans le salon des Quatre Glaces du Palais du Temple,1766, huile sur toile, 53 x68 cm , Versailles, musée du château.

Seul le Prince de Conti est de dos, Mozart est au piano.

Les derniers jours de Versailles

Les derniers jours de la monarchie furent marqués par l’opposition frontale entre le Parlement toujours frondeur et le roi Louis XVI attaché à ses prérogatives absolutistes.

A la fin du siècle, la monarchie apparaît dispendieuse et corrompue. Le peuple a besoin de vertu d’efficacité et cherche à s’émanciper des tutelles aristocratiques et cléricales dans un esprit de libertés et de droits nouveaux.

Dans son ouvrage « The ideal museum » Philippe Daverio commente le tableau de David « Le serment des Horaces » :

Philippe Daverio " Le serment des Horaces », peintre néoclassique, qui a peint en 1874 le tableau.
Jacques-Louis David, Le serment des Horaces,1784, peinture d’histoire, tableau à l’huile, 330×425 cm, musée du Louvre, Paris.

« Cette peinture » écrit-il « est une incarnation du concept républicain (issu de la période républicaine de la Rome antique) de Vertu. Elle a été présentée à Louis XVI en 1785 à Versailles. Si le roi capétien avait eu sous la main un bon critique d’art plutôt qu’un expert en horlogerie en tant que conseil, il aurait peut-être compris bien plus tôt que trois ans plus tard seulement il perdrait son trône et à peine six ans plus tard sa tête ».

Toutefois, il convient de nuancer ce propos, dès lors que l’on sait qu’à Rome, lorsque l’empire était à son apogée, l’exaltation du modèle républicain aboli était intégrée à l’horizon symbolique et culturel et contribuait paradoxalement à la défense de l’empire plutôt qu’à sa critique. Et la même chose s’est produite avec le républicanisme « classicisant » du XVIIIème siècle, qui se concilie avec un loyalisme monarchique. Louis XVI et la censure de l’époque ont ainsi pu passer à côté d’un message qui nous paraît, dès lors que l’on connaît la suite de l’histoire, particulièrement éloquent.

La situation financière du royaume était préoccupante, plombée par le soutien financier considérable accordé par Louis XV aux insurgents d’Amérique et par le train de vie de la Cour et des nobles largement pensionnés, notamment au travers de la liste civile. Les réformes fiscales envisagées par le roi en vue d’établir davantage d’égalité fiscale, c’est à dire de voir les nobles soumis à l’imposition, échouent par le fait d’une coalition de la noblesse et du haut clergé, qui se matérialise par l’opposition des membres du Parlement de Paris et de ceux des parlements régionaux attachés à leurs avantages fiscaux. Les parlements -et notamment celui de Paris- étaient des chambres de justice souveraines et d’enregistrement des édits royaux. Ce second rôle et l’usage des remontrances au Roi leur ont conféré un rôle politique qui évolue selon les rapports de force avec le roi. Dans les tentatives de la Couronne d’introduire le principe de soumettre à l’impôt la noblesse et le clergé les Parlements se sont rangés avec force du côté du maintien des privilèges de ces deux premiers ordres de la monarchie.

Pour tenter de contourner l’opposition du Parlement, le roi projette de réunir les Etats généraux, c’est à dire les représentants des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état), sachant que, si les discussions sont communes, les votes se font séparément par ordre.

Très vite, l’idée d’envisager la double représentation du tiers état par rapport au clergé et à la noblesse et le vote par tête est porté sur la place publique.

Le 25 septembre 1788, les parlementaires parisiens se déclarent partisans d’un vote des états généraux strictement par ordre. Ces journées prérévolutionnaires ont montré au peuple ce qu’ils étaient: Un Parlement qui n’hésite pas à s’affirmer comme représentant l’intérêt général, qu’il confond en fait avec les intérêts de castes privilégiées.

Jean-Baptiste Greuze, Portrait de Charles-Paul-Jean-Baptiste de Bourgevin de Vialart de Saint-Morys, conseiller à la Grand-Chambre du Parlement de Paris

Les Parlements seront supprimés en même temps que la monarchie par la Révolution française.

La date d’ouverture des états généraux était fixée au lundi 27 avril 1789, qui aura lieu en fait le 5 mai 1789.

Auguste Couder, Ouverture des Etats généraux à Versailles, 1839, musée de l’histoire de France

Puis, dans la nuit du 14 au 15 juillet 1789, Louis XVI sera réveillé par le duc de Liancourt,  chargé de lui annoncer la prise de la Bastille : « C’est donc une révolte ? » demande le roi. « Non, Sire, c’est une Révolution ».

Dès lors, se produiront une succession d’événements d’une intensité et selon un rythme sans précédent qui nous projettera dans le XIXème siècle. Aussi convient-il d’arrêter ici notre XVIIIème siècle…avant d’ouvrir un nouveau chapitre .



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