Les arts plastiques, l’art de notre époque

1 November 2020

Les arts plastiques, l’art de notre époque

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Les œuvres d’art naissent dans la société d’une époque, dont les valeurs, l’organisation des relations entre les personnes, les modes et styles de vie influencent les représentations artistiques comme d’ailleurs le regard  des spectateurs, qui  les ressentent ou les aiment.

Pour appréhender les œuvres contemporaines, il faut d’abord considérer qu’elles correspondent aux connaissances, aux valeurs et aux objectifs d’artistes qui vivent comme nous et dans le même monde que nous, alors que ce n’est pas le cas pour les œuvres d’époques passées.

Les œuvres des époques antérieures reflètent et parlent de leurs époques et de la ou des sociétés de leurs époques.

Les arts pariétaux (arts sur parois de grottes, en intérieur) ou rupestres (arts réalisés sur des roches en plein air), réalisés à l’époque paléolithique (période préhistorique avant 12 000 avant JC) témoignent d’un monde de chasseurs-cueilleurs nomades. 

Grotte de Lascaux, Taureaux.

Vermeer ne reflète-il pas une vision proprement XVIIème siècle avec ses tableaux  Le Géographe ou l’Astronome, traduisant  le développement des sciences  et l’émergence de nouvelles classes sociales aux Pays Bas ? Même s’ils ont pu traverser les siècles et leur force évocatrice.

Les ports japonais ont été ouverts, à la suite du traité de 1854, au commerce international, et Degas saisira très vite les leçons de l’estampe japonaise et les appliquera dans ses mises en page obliques pour des scènes de la vie sociale très contemporaines.

Edgar Degas (1834-1917) L’orchestre de l’Opéra, Vers 1870 Huile sur toile H. 56,5 ; L. 45 cm Paris, musée d’Orsay

Le mouvement expressionniste donne une vision pessimiste de la réalité à la veille de la première guerre mondiale, et en 1893, l’œuvre Le cri d’Edvard Munch en est la première référence.

Edvard Munch, Le cri, 1893.

Des artistes contemporains qui vivent dans un contexte géographique ou politique différents auront aussi une vision créative différente.

A l’époque de la Renaissance italienne, Tintoret (gravité et tension dramatique, thèmes religieux) ou Véronèse (lumineux,  apollinien, mythes, femmes langoureuses), à Venise, proposent des visions  brillantes de cette cité florissante et de ses mœurs (plus ou moins) libres, qui ne sont pas les mêmes que celles, pourtant d’un contemporain Michel-Ange, à Florence, la cité du pouvoir des Médicis, dont l’approche de la représentation artistique est marmoréenne, antique. A sociétés distinctes d’une même époque, arts et culture distincts.

Paolo Véronèse, Enlèvement d’Europe, vbers 1580, Toile, 240×303 cm, Venise, Palazzo Ducale.

Tous artistes de leur temps et canons de la beauté de leur époque.

 Michel Ange , David,1501-1504 , Marbre, 434 cm de  hauteur (avec la base rocheuse)

« Il faut être résolument moderne » Arthur Rimbaud , Une saison en enfer

Huysmans l’a écrit quand il défendait les impressionnistes et autres peintres exposant aux salons des Indépendants :

« Ma passion pour certains Rembrandt est grande ; mais cela ne m’empêche point de déclarer qu’il faut aujourd’hui trouver autre chose. Ces maîtres de l’époque ont peint les gens de leur époque avec les procédés de leur époque – c’est chose faite et finie » et il ajoute « A d’autres maintenant » des peintres qui « apportent une méthode nouvelle, une senteur d’art singulière et vraie, qui distillent l’essence de leur temps et l’arôme de leur époque. »

Les artistes de chaque époque expriment des idées neuves avec des formes et des techniques qu’on n’employait pas auparavant.

La place des œuvres du passé

Nous pouvons  contempler ces œuvres  avec  notre ressenti d’une beauté immédiate au regard de notre sensibilité, notre culture ou le monde intérieur de notre conscience du beau. On peut ainsi  par exemple, connaître un ravissement ou un éblouissement devant les tableaux de Raphaël, comme ceux de madones intemporelles.

Elles peuvent entrer en résonnance avec notre conscience moderne. Il en va ainsi de Vermeer, du Greco (expositions récentes à Paris), de bien d’autres…

Nous pouvons aussi chercher à nous approcher de leur monde. John Dewey pensait même qu’on ne pouvait  s’y dérober sans que les œuvres perdent de leur signification, et ne deviennent que de l’art pur et des pièces de musée.

Ces conceptions artistiques rapportent la totalité psychique des artistes d‘alors, compte tenu de leurs conditions historiques, géographiques, économiques, sociopolitiques, culturelles, juridiques et mentales. 

Tout cela est bien sûr du très grand art et à ce titre elles participent à la formation de notre sensibilité et de nos idées esthétiques. 

Mais elles ne sauraient figer notre vision de la beauté artistique, du beau dans l’art.

Le processus créatif (créer: penser et réaliser une production)

Lorsque l’on se rend à son travail, chez des amis ou lors de de toute activité sociale, sportive ou culturelle, on se trouve plongé dans un univers sensible dont on rapporte des impressions par nos cinq sens, la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat.

Ces impressions entrent en nous avec plus ou moins de force ou de violence. Elles ont une forte  empreinte de réalité. Et se traduisent en fonction de notre sensibilité intérieure par des sensations, des émotions.

Notre imagination nous permet alors de fixer les impressions, de les mémoriser et de créer, à partir de l’accumulation de perceptions particulières de la réalité, des constructions complexes,  qui ne correspondent pas à un monde réel, à une réalité objective (la recherche de vérité cachée aux cinq sens s’appelle la métaphysique; et oublions un instant Platon son monde des Idées et sa théorie de la réminiscence).

Autrement dit notre faculté imaginative nous permet de réaliser des combinaisons susceptibles de produire des images qui ne correpondent pas la réalité.

Pour un exemple simple, la chimère d’Arezzo étrusque d’Arezzo, monstre à trois têtes avec une gueule de lion, une tête de chèvre qui jaillit sur son dos, une tête de serpent au bout de sa queue.

la chimère d’Arezzo étrusque d’Arezzo

Le jeu de l’imagination permet bien entendu de créer des œuvres  bien plus complexes et bien plus éloignées de la réalité immédiate. Par exemple chez Max Ernst mêlant intuition philosophique, humour et…imagination. 

La femme chancelante, Max Ernst, 1020

Ce processus se complète et s’articule avec notre capacité à désirer ou refuser, d’où sont issues les passions humaines comme l’amour, la colère ou la crainte. Ici, toutes les parties du corps interviennent.

L’intuition intellectuelle ou la pensée, qui rendent les choses intelligibles, nous permettent alors de connaître, de réfléchir, distinguer, juger . C’est notre faculté rationnelle. De cette vision rationnelle du monde, l’artiste, homme de raison et de passion, en fera une vision artistique personnelle.

La raison ou les passions, la réflexion ou l’émotion guident alors le processus créatif de l’artiste, placé dans une variété de situations, qui adopte alors une posture singulière et nous livrera, du monde dans lequel il est immergé, son expérience singulière.

Mais le monde sensible que partagent les artistes contemporains n’est pas comparable à celui dans lequel étaient plongés les artistes d’autres époques. Notre monde n’est pas celui de Dante, par exemple, qui vivait à la charnière des XIIIème et XIVème siècles en Italie, dont l’oeuvre, empreinte de tous les éléments du sensible ( couleurs, saveurs, musique, sensations tactiles, bruit, odeurs) traduit son vécu revisité par sa poésie et son imaginaire.

Les oeuvres des artistes d’aujourd’hui se trouvent en résonnance avec le monde sensible d’aujourd’hui. Elles seront alors différentes, nouvelles et soumises au regard de spectateurs qui leur sont contemporains.

Alors, plutôt que la formule de Descartes « Je pense donc je suis », pour l’artiste ce serait davantage « Je suis donc je crée ».

Les caractéristiques de notre époque.

Les œuvres d’art sont passées du musée au magazine –en tout cas leur reproduction- puis dans d’autres médias, la télévision, Internet.

Par leurs illustrations, reportages, articles etc…ils  font connaître des pratiques, des objets, des corps qui demeureraient inconnus au plus grand nombre, car lointains donc invisibles.

Le lecteur-spectateur, qui de plus voyage davantage, habitue son regard, le sensibilise aux changements de forme, de couleur, d’agencement. Et de fait il exige un constant renouvellement des œuvres présentées.

Les œuvres d’art contemporaines se succèdent alors à un rythme rapide et prennent des directions multiples.  

Quel est  l’art qui rend compte, traduit et réinvente l’expérience sensible et consciente du monde actuel ?

Sauf  si l’on garde une âme d’une autre époque, notre intérêt peut se tourner vers les artistes actuels, innovants, peu ou très détachés de ces modèles ou références ; ils  sont nos miroirs et nous  parlent de nous-mêmes. Ils inventent notre monde culturel. 

Il en va ainsi, notamment, de l’art minimal, conceptuel, du body-art, du street art, ce sont aussi les performances et happenings et désormais les arts  numériques.

Aujourd’hui ce sont des artistes, comme Francis Bacon, par exemple, une exposition vient de lui être consacrée à Paris, qui nous parlent et subjuguent notre imaginaire.

Francis Bacon, dont l’œuvre entre géométrie et tension, entre animalité et humanité, entre souffrance et violence est au goût du jour.

Francis Bacon, Œdipe et le sphinx revisité. Exposition Centre Pompidou, Paris 2019.
Francis Bacon, Œdipe et le sphinx revisité. Exposition Centre Pompidou, Paris 2019.

Francis Bacon, Oedipe et le sphinx revisité. Le tableau se réclame autant d’Ingres que d’Eschyle. Photo Centre Pompidou, Paris 2019.   

L’art contemporain emprunte de nombreuses directions.

César et ses  techniques de compression et décompression des objets 

Ou comment la performance de l’artiste et le happening participent à l’authenticité de l’œuvre.

Julian Schnabel Untitled ( huile, assiettes sur bois) 1987 ; Détournement d’objets usuels à des fins symboliques dans un esprit neo-expressionniste.

Vers quelles pratiques orienter les élèves ?

Nous devons appréhender les arts plastiques comme la compréhension de ce qu’un artiste vivant veut exprimer à ses propres contemporains.

Il s’agit alors de regarder, interroger, interpeller les œuvres d’art contemporaines et les interpréter au regard de toutes les questions d’actualité et de toute notre propre vie matérielle, sociale, morale (nos espoirs, peurs, sentiments, visions du progrès, de la justice, de l’autorité, la présence de la souffrance, du corps, etc…) . Comprendre ce qu’elles nous disent,  veulent nous dire ou nous disent à leur insu. 

Et d’en  interpréter la signification, la finalité, la conscience historique, du monde ou ontologique, les valeurs, moyennant l’analyse, du lien au réel,  de la temporalité etc…

C’est dans ce sens que le professeur peut orienter son enseignement. Il développera les capacités de l’élève, c’est-à-dire ses  connaissances, intelligence et imagination, en partant du principe de l’aspect libre et créatif de sa vie ou de son être psychologiques.

Cet apprentissage passera par un travail artistique théorique et une pratique artistique.

A partir de l’analyse d’œuvres et notamment d’œuvres contemporaines , il s’agira d’abord d’analyser les pratiques artistiques de l’artiste, sa posture et son geste, puis la nature de l’œuvre, son support et sa matérialité, ensuite l’objet, la forme, la couleur et enfin la monstration, l’accrochage.

Chaque œuvre renvoie à une réalité visible et sensible, exprimant d’une manière figurative ou abstraite une vision artistique. 

Cela nous conduira à effectuer un travail sur la démarche et la vision artistique de l’auteur et à un autre travail sur le regard de l’élève spectateur, même des élèves spectateurs, ensemble, dès lors que le dialogue entre les différents élèves fait évoluer le regard de chacun d’eux.

Puis l’élève devra pratiquer, avec une phase de réflexion (voir mes articles « note d’intention » et « « écrit et écrit de l’élève »).

Sa production sera alors le résultat d’un effort personnel dans un cheminement alliant mise en œuvre de connaissances et exploration voire invention de son univers propre.

L’élève augmentera ainsi sa capacité d’invention, sa puissance créatrice et prendra confiance en lui.



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