Faut-il disposer les élèves en îlots dans les classes d’arts plastiques ?

1 May 2021

Faut-il disposer les élèves en îlots dans les classes d’arts plastiques ?

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Nathalie Quintane, auteure d’ « Un hamster à l’école », aux éditions La fabrique, Paris, 2021, nous présente une vision crépusculaire du travail d’élèves en îlots dans les matières classiques (français, maths…) : « On leur donne une feuille de papier A4 avec des phrases toutes prêtes à compléter, à manipuler, à inventer et vite on se carapate derrière notre ordinateur, dont on ne bouge plus jusqu’à ce qu’ils aient fini et si, vraiment, il y en un -on l’appelle le gérant – qui vient pour nous demander un tuyau, mais alors exceptionnellement, on le renvoie vers un autre groupe qui a l’air d’avoir compris : c’est eux qui lui expliqueront ; avant la fin de l’heure, on passe quand même de groupe en groupe et, d’un geste souple, on met des points verts si c’est réussi, des points jaunes si c’est bof et des points rouges si c’est nul ».

Ainsi  le travail d’élèves mis « en îlots » signifierait qu’ils devraient « travailler  tout à fait seuls, sans nous les professeurs, on les préparerait ainsi à l’autonomie, on devrait quasi disparaître au moins de leur de vision… ».

L’auteure ne se méprend certes pas sur ce système faussement libéral, qui ne serait au final qu’un système d’autosurveillance.

Mais il se trouve que je me suis penchée dans mon mémoire de master 2   « La classe numérique », sur l’intérêt de disposer les élèves en îlots, et ma vision de ce dispositif s’oppose, par sa dynamique, au modèle critiqué par madame Quintane.

La classe «des arts plastiques numériques » était découpée en trois sous-espaces et, en tout, six pôles, l’élève passant d’un sous-espace à l’autre : 

sous-espace 1 : phase préparatoire, avec un pôle de recherche comprenant des ordinateurs pour rechercher des ressources utiles au projet et le pôle de réflexion avec des tables et des chaises en îlots ; 

sous-espace 2 : la production : le pôle d’outillage avec le matériel de conception (ordinateurs, tablettes, caméra, appareil photographique etc.), et le pôle animation avec un ordinateur, une tablette graphique et visionneuse ;

sous-espace 3 : la projection/la diffusion avec le pôle fond blanc, disposant d’un vidéoprojecteur relié directement à un ordinateur, et le pôle cube blanc, pouvant faire office de mini salle de cinéma avec un projecteur et des chaises.

Thaïs - 1ère Facultative - Technique numérique, tablette graphique, tria.
Photographie Alexiane Riou : Pôle de recherche comprenant les ordinateurs dans la classe au lycée Magendie, Février 2019.

Ces pôles étaient répartis par groupes de tables, mis en îlots, où les élèves se voyaient attribuer une tâche, chacun d’entre eux ayant une contribution dans une équipe de travail visant à atteindre un but commun.

L’idée de pôles dans la classe favorise un travail collaboratif et coopératif, avec des échanges et de la communication de l’élève avec ses condisciples, comme j’ai pu le mettre en place dans un exercice de réalisation d’un « polyptyque d’écrans ». 

L’exercice exigeait une coopération entre les quatre élèves pour pouvoir répondre au sujet proposé : le premier élève était occupé à concevoir le script le deuxième devait écrire le scénario et faire des repérages de lieux, le troisième devait faire des recherches pour la présentation orale du projet, en incluant des références artistiques obtenues dans le pôle recherche, et le dernier devait effectuer le montage des différentes images du polyptyque dans le pôle outillage…

Et surtout, loin de rester cachée derrière mon ordinateur comme l’a malheureusement observé Mme Quintane,  j’attache une importance à l’encadrement et au rôle pédagogique du professeur, que les élèves soient en îlots ou non, au travers de l’explication du travail à effectuer –voir mon article « écrit et écrit de l’élève sur ce site-, la fiche d’intention, et surtout  la verbalisation – voir mes articles sur ce site-.

Les élèves disposent d’abord d’une fiche-élève, donnant le sujet, que j’explique oralement, comportant notamment des éléments de cours.  Elle précise les contraintes et donne  le vocabulaire. 

Puis je travaille collectivement et individuellement avec les élèves sur leur note d’intention, texte court, produit avant de commencer un travail, qui vise à trouver des idées et à les structurer. C’est l’idée, l’image de l’œuvre, telle qu’elle devrait être une fois le travail achevé, même si la production finale n’est jamais équivalente à l’intention.

Une production peut être manquée ou bien l’élève rencontre des obstacles et il faudra que le professeur l’aide à les surmonter.

La note d’intention, parce qu’elle favorise un cheminement artistique, est un instrument pédagogique. Le travail en îlot ne sera que la meilleure façon de la mettre en œuvre.

Et ce qui me paraît fondamental c’est la verbalisation, qui doit s’opérer après chaque phase de pratique. C’est un temps fort de la production de l’élève.

La verbalisation, c’est, pour l’élève, mettre des mots sur un travail ; elle explique des gestes, des techniques, des intentions artistiques, des actions à des fins de compréhension du sujet et de démarche artistique. C’est une distance critique et réflexive par rapport à son travail.

Pour l’élève, la verbalisation, c’est parler de son travail ou, notamment lorsque le travail se fait en îlot de quatre élèves, de ceux de ses camarades.

Pour le professeur, c’est le moment où lui donner de l’attention et lui attacher formellement de l’importance. Sa parole est vectrice d’apprentissage.

La disposition des élèves en îlots peut être sujette à critique, si l’élève est livré à lui-même et le professeur rivé sur l’ENT, l’espace numérique de travail.

Mais un usage, en tout cas dans l’enseignement des arts plastiques, du travail « en îlots » peut donner d’excellents résultats…

Ce n’est pas le dispositif  du travail en îlots qui est bien ou mal en lui-même, mais l’usage que le professeur en fait…alors ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.  



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